TAI
Aviation Magazine N°15 du 1er septembre 1950
Communiqué par Christian Ravel, Musée d’Angers, Espace Air Passion
Paraitra dans l'Echo 114 d'octobre
Les réseaux de la T.A.I
Voici l’historique des réseaux de la TAI, tiré de l’Histoire du réseau aérien mondial, de Marc Flavigny.
En 1946 la TAI ouvrit une ligne Paris Casablanca en Junker 52 et Bristol 170, puis le 23 octobre 1947, en DC4, une ligne de Paris à Saïgon puis Hanoi. Les escales de cette ligne furent très fluctuantes, mais, au début de 1951, le tracé était le suivant : Paris – Tunis – Damas – Bahreïn – Karachi – Delhi – Calcutta – Saïgon - Hanoï.
En avril 1948 fut ouverte la ligne Paris – Doula - Libreville, prolongée vers Brazzaville le 21 septembre 1949. Puis le 27 juillet 1948 furent ouvertes les lignes Paris – Bamako - Abidjan en DC4 et, dans la même année 1948, Paris – Niamey – Brazzaville – Livingston - Tananarive. Au début de 1951 le tracé de cette dernière ligne était Paris – Alger – Kano – Douala – Libreville - Pointe-Noire et Livingston - Tananarive. Un tracé oriental fut aussi utilisé, via Le Caire - Khartoum et Dar es Salam, mais, à partir de juin 1953, la ligne fut stabilisée via Djibouti, Paris - Le Caire – Djibouti - Tananarive. En 1950 fut ouverte une ligne éphémère vers la Martinique et
la Guadeloupe via les Bermudes.
En 1952 TAI fut partie prenante dans les accords de coordination entre les compagnies françaises, puis dans l'accord de Peira Cava en 1954. Cet accord ouvrit notamment à TAI le Pacifique Sud mais lui fit perdre ses liaisons vers l'Afrique équatoriale.
En 1954 le réseau de la TAI s'établissait ainsi à partir de Paris :
- une ligne vers Casablanca, escale à Bordeaux
- des lignes vers Abidjan et Bamako, escales éventuelles à Marseille et Bordeaux
- la ligne Paris - Le Caire – Djibouti - Tananarive.
- la ligne vers Saïgon comportait des escales au Caire, à Karachi, et éventuellement Bahreïn et Calcutta avec une prolongation vers Hanoï.
Le 1er janvier 1956 fut inauguré, par prolongation de la ligne de Saïgon, la ligne de Paris à Nouméa, (arrivée le 6 janvier 1956), reprise à Air France. Sur la seconde partie, Saïgon – Darwin - Nouméa, le DC6était piloté par Gérard Destenay et Georges Salmand comme radio.
Peu après fut créé un réseau local à partir de Nouméa, vers Port-Vila et Espiritu Santo ouvert le 30 juillet 1956, enfin vers Wallis le 3 mars 1957 avec retour le 4 mars 1957, utilisant le DC3 immatriculé F-BGXN, piloté par René Allais, vétéran de cette ligne, avec Marcel Refort radio, Gaston Derambures mécanicien. La ligne de Paris à Nouméa fut prolongée vers Auckland le 4 février 1957, le DC6 de la ligne inaugurale étant piloté, au départ de Saïgon par Fernand Langlois et Roger Boullaut.
En 1957, après la reprise à Air France des liaisons vers le Pacifique, mais avant l'ouverture de l'aéroport de Tahiti, le réseau était le suivant :
Paris – Nice – Athènes – Abadan – Karachi – Saïgon et Paris – Athènes – Abadan – Karachi – Saïgon – Darwin – Nouméa – Auckland avec Nouméa – Port-Vila - Esperitu Santo - Nouméa, ligne inaugurée en DC3 en 1956. Et Paris – Niamey – Abidjan, et Paris – Bordeaux – Bamako – Abidjan, et Paris – Marseille – Bamako – Ouagadougou – Abidjan, et Paris – Marseille – Niamey – Cotonou – Lomé – Abidjan, et Paris – Casablanca, et Paris - Nice ou Marseille – Tripoli – Djibouti- Tananarive, et Paris – Athènes – Djibouti - Tananarive.
En dehors de l'ouverture de l'escale de Tahiti et des liaisons transpacifiques, le réseau ne fut pas sensiblement modifié jusqu'à la fusion avec UAT, en 1963. Les escales de Brisbane et Jakarta furent ouvertes en 1957, celle de Phnom Penh le 10 décembre 1958, celle de Nandi en 1958, celle de Sydney en mai 1960.
Un premier DC4 de la TAI avait atterri le 25 mai 1957 sur la piste Motou Mute à Bora Bora. L'équipage était constitué de Gérard Destenay, René Allais (ancien pilote Trapas), Claude Rochon (radio), P. Watin (radio), Émile Gros et Lucas (mécaniciens), Il avait été suivi en juin 1957 d'un DC6 piloté par Fernand Langlois, ce même pilote qui, aux commandes du DC6 B immatriculé F-BGOB, se posa à Bora Bora le 2 octobre 1958, inaugurant la ligne régulière.
A Bora Bora, la correspondance vers Tahiti était assurée par le Bermuda du Réseau Aérien Interinsulaire.
Le 1er mai 1960, un DC7-C de la TAI inaugura la ligne «tour du monde» des compagnies Françaises. La TAI effectuait un vol Paris - Athènes - Téhéran - Karachi - Bangkok - Saigon - Djakarta - Darwin - Sydney - Nouméa - Nandi - Bora Bora - Honolulu - Los Angeles et Air France prenait le relais avec un Boeing 707 pour un vol Los Angeles - Montréal - Paris. Le départ du premier vol direct de France vers la Polynésie par la route occidentale, le 6 mai 1960, par Air France jusqu'à Los Angeles, puis par la TAI sur le parcours Los Angeles - Honolulu - Bora Bora.
Bora-Bora fut enfin abandonné lorsque le DC7-C de la TAI inaugura la piste de Tahiti le 16 octobre 1960. Immatriculé F-BIAQ le DC7 piloté par André Maulandi se posa à Faaa, inaugurant ainsi la vie commerciale de l'aéroport de Papeete et la vie touristique de Tahiti, et rendant possible en 1964 les liaisons aériennes nécessaires aux essais nucléaires.
La décision de construire l'aéroport avait été prise lors d'une réunion interministérielle, le 15 mai 1957, et le premier coup de pioche du chantier fut donné le 1er mai 1959. Le premier vol direct de Los Angeles à Papeete, décolla le 5 mars 1961, un vol de reconnaissance avec le DC8 immatriculé F-BIUZ, piloté par Henry Fulachier avec un équipage composé de Jean Guéguen, Laurent Dafaure, Claude Jean, Maurice Barbier et Daniel Lamblin (voir les Ephémérides).
Le premier vol «du monde» par jets décolla le 5 mars 1961 avec le vol d'Air France Paris - Montréal - Los Angeles en Boeing 707, puis Los Angeles – Papeete – Paris, par un Douglas DC8 de la TAI.
Premier vol sur Bora Bora
Tahiti et toute l’Océanie n’auront plus à subir les câpriers et les inconvénients de liaisons plus ou moins régulières. La Compagnie des Transports Aériens Intercontinentaux vient en effet d’ouvrir officiellement sa ligne directe Paris/Bora-Bora via la Nouvelle-Calédonie et Nandi. Outre la rapidité, la régularité des liai¬sons
permettra à la Polynésie de sortir de l’isolement dans lequel elle s’est trop souvent trouvée. Le D.C. 6 se posera en effet une fois par semaine sur le terrain de Bora-Bora.
C’est le 2 octobre 1958 à 8 heures du matin que le DC 6 est arrivé en Polynésie au terme de son voyage inaugural. Parti de l’aérodrome de la Tontouta en Nouvelle-Calédonie la veille à 15 heures, il s’est posé à Bora-Bora le lendemain vers 8 h.
Parmi les passagers de ce vol d’inauguration de la ligne, se trouvaient le Général Fayet, Directeur Général de la TAI, Monsieur Jacques Bruneau du Ministère des Affaires Etrangères et Monsieur Jean Douzamy, des Affaires économiques. A bord se trouvaient également Monsieur Decharme, le Directeur de la Sud-Pacifique Films, accompagné de Mlle Andréa Parisy et de MM. Baseheart et O’Brien qui doivent tourner dans le film d’Yves Allégret « Les Ambitieux »
Le voyage de Nouvelle-Calédonie en Polynésie est rapide, une seule escale : celle de Nandi aux îles Fidji où le DC 6 est arrivé le soir vers 20 heures et s’est posé sur la longue piste balisée.
Un repas copieux a été servi dans le très exotique hôtel de Macoombo. Une heure et demie de détente pendant laquelle chacun se restaure aux accents d’un orchestre local fortement influencé par la musique tahitienne. Les amateurs de curios sont satisfaits aussi car il existe dans cet hôtel un comptoir bien achalandé.
Sujet d’étonnement pour le voyageur qui, pour la première fois, voit les Fidji : la tenue fidjienne, sorte de sarong taillé en dents de scie. Le policier de l'aérogare surtout est splendide dans sa tenue et avec son immense chevelure crépue.
L'avion reprend son vol vers 22 heures et s'enfonce dans la nuit. Le lendemain matin, après le breakfeast l'hôtesse de l'air avertit les passagers de l'atterrissage a Bora-Bora. Chacun se penche au hublot pour voir l'île et son grand morne couronné de nuages. L'îlot de corail où se trouve le terrain apparaît bientôt avec sa longue piste blanche, éclatante sous le soleil matinal. Le DC 6 descend et chaque détail du corail apparaît à travers la limpidité du lagon tout proche. Un léger choc et l'avion roule sur la piste. Nous sommes à Bora-Bora, cette île prestigieuse, réputée pour la sauvage grandeur de son morne, la beauté de ses lagons lumineux et de ses groupes de danses.
Puis, bien sûr, ce sont les traditionnels souhaits de bienvenue par un groupe de jeunes filles tahitiennes, de souriantes vahinés aux bras chargés de fleurs. Chacun recevra son collier de fleurs de tiarés ou de frangipaniers odoriférants, avant d'aller prendre des rafraîchissements dans l'aérogare qui borde la piste.
Peu de temps après l'arrivée du DC 6, le Catalina du Réseau Aérien Interinsulaire se pose sur le lagon calme. II vient prendre les passagers pour les mener à Papeete. Dans un avenir très prochain ce Catalina sera remplacé par un hydravion Bermuda. Les passagers prennent donc place à bord d'une vedette qui les conduit à bord.
Une heure de voyage pendant laquelle on survole les îles de Tahaa et Huahiné, resplendissantes dans l'écrin vert jade de leurs lagons. Peu avant l'arrivée à Papeete nous passons près de Moorea, l’île sœur de Tahiti. Enfin apparaissent les maisons de la ville qui s'étire sous nos yeux avec ses toits rouges et sa verdure.
Quels instants plus tard, le Catalina se pose sur le lagon de Faaa. A l’hydrobase il y a un public nombreux. C’est la bienvenue à Tahiti avec ses fleurs, ses couronnes, ses sourires.
Notre voyage est arrivé à son terme. Nous sommes maintenant dans ce petit paradis océanien au charme incomparable et de réputation universelle. Au sortir de l’hydrobase, l’île nous attend avec toutes ses beautés.
Car ces beautés, cette douceur, ce pays magnifique est maintenant, grâce à la TAI, à quelques heures de Paris.
Et ce vol inaugural mettait en place la ligne la plus longue du monde et justifiait pleinement le slogan : les Ailes Françaises au-dessus du Pacifique.